
Toute
ressemblance
avec des personnages existants ou ayant existé est absolument
volontaire
réface.
rank Zappa
est
fort peu connu en France, Le nom de celui qui est
considéré comme le grand compositeur américain ne
figure pas au Nouveau Petit Larousse illustré.
Pour se documenter
sur
lui, il faut avoir recours à des sources
étrangères, particulièrement à l’«
Encyclopédie Bizarre ». Une heureuse exception, cependant
les pages qu’Adam X lui a consacrées dans son fascicule
gracieusement offert à la presse le mois dernier. «
Biographie de Frank Zappa ».
« Je suis
né à Baltimore (Maryland), le 21
décembre 1940. J’ai deux frères et une soeur. Mon
père, qui est maintenant retraité, a été
professeur d’histoire, météorologiste, ouvrier
métallurgiste, barbier, professeur de mathématiques (ces
indications ne se suivent pas nécessairement dans un ordre
chronologique). Il est aussi l’auteur d’un livre sur les jeux de hasard
(chances & Row To Take Them). Ma mère a surtout
été une mère. Jadis, elle fut
bibliothécaire, Je suis l’aîné de la famille. Bob,
qui m’a succédé, a passé trois ans dans les
« Marine » et pas mal de temps au lycée à
étudier, entre autres choses, la sociologie. Le cadet, Carl,
sert des milk-shakes chez « McDonald » et lave la vaisselle
chez « Bob’s Big Boy » (vallée de San Fernando. Ma
soeur est mariée à un jeune homme très
porté sur les voitures. J’ai une formation secondaire et ai
passé un semestre à l’université de Chaffey
(Californie). J’ai obtenu un diplôme de l’Antelope Valley High
School de Lancaster (Californie), le vendredi 13 juin 1958
(à vingt points en dessous de la moyenne : ils cherchaient
à se débarrasser de moi).
Mon
éducation
musicale se limite à un cours d’harmonie
auquel j’eus la permission d’assister, lors de ma dernière
année au lycée. J’ai suivi, en outre, les cours de Miss
Holly à l’université de Chaffey et, en tant qu’auditeur
clandestin, ceux de M. Kohn à l’université de Pomona.
J’ai pratiqué les percussions dans des ensembles scolaires que
dirigeaient MM. Mil1er, McKillop, Minor, Kavellman et Ballard.
Le reste de ma
formation
provient de l’audition de disques et de la
fréquentation de petits orchestres jouant dans des boites et des
bars de province.
J’ai aussi
passé
pas mal de temps dans les bibliothèques.
»
CHEMA
DU FILM
du musicien
(compositeur
et interprète), de la figure, du
philosophe, du psychologue, du metteur en scène, l’action, la
technique et intérêt selon Zappa lui-même.
nfin,
évoquer ou
le laisser évoquer ses copains (ou ses
groupies) dans le film et au salon.
ans la
première
scène, on verra Frank Zappa guitare en
main, wha-wha au pied, assouvir et conserver, diriger et laisser aller
ses souhaits, ses souvenirs, ses mamans et son doigté couleur en
soi. En surimpression, parallèle au générique sa
discographie...
1. Freak out.
2. Absolutly free.
3. Lumpy gravy.
4. We’re only in
it for
the money.
5. Cruising with
ruben
& the jets.
6. Uncle Meat
7. Hot rats
8. Burnt weeny
sandwich,
9. Mothermania.
10. Weasels ripped
my
flesh.
11. Chunga’s
revenge
12. Mothers at the
fillmore june 71.
uis la musique se
fera
plus forte, plus haute. Couleur en-do-crine.
rank
: «The
band plays on the most terrible shit you’ve ever
known ». Gros plan sur sa moustache, gros plan sur sa barbiche.
Changement de
temps.
Couleur en Si.
Auto Interview :
uelle
est la -
particularité des Mothers ?
rank
: « L’aspect
le plus saillant du travail des Mothers
réside dans l’uniformisation conceptuelle de la macrostructure
de production du groupe. Nous exerçons, depuis nos
débuts, un contrôle rigoureux des éléments
thématiques et structurels de chaque album. Nous
contrôlons aussi le contenu de chaque concert ou de chaque
interview avec la même rigueur. » Essayez de vous
représenter une tête d’épingle sur laquelle se
trouve une illustration, extrêmement détaillée,
pouvant être une pensée, un sentiment, un symbole plus ou
moins clair, une illustration du ciel ou quelque chose avec des
oiseaux... bref, cette illustration se trouve sur cette tête
d’épingle, souvenez-vous-en, et elle est très
détaillée. Et maintenant, supposez que l’épingle
soit en réalité une note de musique à laquelle
corresponde une action physique précise, par exemple un
froncement tellement discret du sourcil que personne ne le remarquerait
et qui, cependant, donnerait un relief particulier à cette note.
Bon, supposez que ces épingles (dont la partie pointue aurait
été sciée pour gagner un peu de place) soient en
nombre suffisant pour remplir, sur une hauteur de 30 m, une surface
comparable à celle du continent nord-américain et de la
majeure partie de l’Europe centrale. Et maintenant, supposez que cette
surface ne soit plus un espace géométrique. Tâche
de vous la représenter sous la forme d’un
phénomène temporel. Imaginez une succession de
décades (le nombre exact vous sera révélé
ultérieurement). (Ici, un temps d’arrêt) : Savez vous
comment tourne la terre?... Imaginez ces décades, couvertes d’un
tas de trucs, soumises à une modification conceptuelle
complète et durable. Les maisons, les bureaux... Des gens y
vivent, certains y font même des films. Supposez que vous y
viviez, sans même vous en rendre compte, Que vous soyez ou non
capables de l’imaginer, voilà ce que nous faisons, »
ravaillez-vous
en
fonction de plans précis ?
rank
: "Pas
exactement, ce que j’essaie de vous décrire
en ce moment, c’est le genre d’attention que nous accordons aux mots,
à la mélodie, aux improvisations, ainsi qu’à
intégration finale de chacun de ces éléments dans
nos albums. Le choix du matériel enregistré,
diffusé ou exécuté en concert, la
continuité ou les contrastes observables d’un album à
l’autre.., tout cela fait partie de la structure de l’ensemble de notre
travail et devra aboutir à une totalité. Les petits
détails ne sont pas seulement une fraction de l’ensemble, ils
lui donnent une forme".
ourquoi
ne pas vous
contenter de jouer du Rock and Roll comme tout le
monde? Laissez tomber ce jargon !
rank
: "Il nous
arrive de jouer du Rock comme tout le monde (ou
presque). Notre style est essentiellement rock, mais il se peut que
nous nous aventurions dans des domaines un peu étranges".
ous donnez dans
le
« Rock classique"... hautement intellectuel,
avec des cordes et des rythmiques bidon…
rank
: "Pour
envisager nos rapports avec la musique classique ou
« sérieuse», il faut partir du rock, car nous sommes
avant tout des musiciens issus du Rock. Il faut prendre aussi en
considération certains éléments d’humour qui vous
échappent peut-être".
ous
n’avez jamais
été capables de jouer du bon Rock.
Vous n’êtes pas assez sérieux pour cela... Vous ne pouvez
même pas jouer de la bonne musique classique. Pourquoi
n’avez-vous pas essayé de trouver un autre boulot ?
rank
: « Je
voudrais attirer votre attention sur un des principes
philosophiques de notre groupe. Il est toujours possible, en
dépit de tout ce qui tendrait à prouver le contraire,
d’être sérieux tout en faisant preuve d’humour,
précepte que j’énonce à l’intention de ceux qui
souffrent de sentiments d’ambivalence, lorsque l’occasion est offerte
de rire d’eux-mêmes. Et, pour terminer, je vous rappellerai cet
autre précepte qui est le fondement même de notre
activité « il y a toujours quelqu’un, parmi ce public, qui
comprend ce que nous faisons... et en ce moment, il est en train de
« décoller » comme jamais il ne s’en serait cru
capable.
a musique
s’arrête. Passage au noir et blanc. Frank sort, Ringo
porte ses valises. Les deux hommes échangent quelques mots sur
l’incendie du casino de Montreux. (Tourner les extérieurs
à Orly). Un photographe, le seul, papillonne autour de Zappa et
des groupies. (Voir s’il sera possible de citer quelque part «
you’ve got nothing but groupies and promoters to love you ») et
si cela n’a pas été fait ailleurs.
La scéne
suivante
se déroule dans un hôtel,
appelons-le « L’hôtel ». Cadre luxueux, clients
choisis. La télévision est présente. (Insister sur
le visage grave des opérateurs).
Nuit. Gros plans
du
photographe — papillon endormi dans le hall de
l’hôtel.
Auto-Interview
radio :
omment
définissez-vous «200 Motels »?
rank
: Pour ma part, je
considére «200 Motels» comme
un documentaire surréaliste. Il s’agit à la fois d’un
reportage sur des événements réels qui se sont
produits dans la vie de notre groupe et d’une fiction
échafaudée à partir de ces
événements. Le film contient aussi les résidus
conceptuels de l’événement réel extrapolé.
D’une certaine manière, le contenu en est autobiographique.
omment
en
êtes-vous venu à faire ce film ?
rank : Je
m’intéresse aux possibilités des
différents modes d’expression depuis 1958. En temps que
compositeur, je considère que la combinaison
d’éléments visuels sur le modèle de la composition
musicale offre des possibilités passionnantes pour la recherche.
acontez-moi
l’histoire.
rank
: « 200 Motels
» est un documentaire
surréaliste, mais on pourrait aussi comparer a forme à
celle d’un morceau de musique orchestrale avec des leitmotive, des
harmoniques, des répétitions de thèmes, des
cadences, des contrepoints...
raiment
? Et bien,
sachez que je hais la musique orchestrale, que je
ne comprends rien à ce que vous me dites et que je n’aime que le
rock. Est-ce un film sur le rock, au moins, ou bien...
rank
: « C’est un
film sur le « Rock», mais c’est
plus que cela, dans la mesure où les Mothers se situent à
l’extrême limite du Rock. «200 Motels» exprime la
vision particulière que notre groupe a du
phénomène rock et de tout ce qui l’entoure. C’est
pourquoi il traite aussi des « groupies», de notre vie en
temps que collectivité, de nos rapports avec le public, de la
nourriture macrobiotique, etc. La façon dont il aborde ces
phénomènes n’est certainement pas celle que vous attendez
(ni probablement celle que vous approuvez). Les Mothers n’ont que peu
de points communs avec les groupes pop que vous connaissez. Même
un documentaire du type courant sur notre activité serait peu
banal, A fortiori, un documentaire surréaliste s’inspirant de
cette activité, en la transposant sur d’autres plans, peut
sembler, à première vue, un peu bizarre.
on...
Si vous ne voulez
pas me dire à quoi ressemble votre
film, dites moi au moins ce qui s’y passe... Dites-moi quelque chose,
n’importe quoi... Par pitié…
ARRRRGHHH
!
rank
: « Nous
n’avons pas essayé de mettre en
évidence une chronologie dans ce film, s’agissait de restituer
le genre de vie que nous menons lors de nos tournées. Pendant
ces périodes, le temps est entièrement défini
à partir des exigences de l’horaire, de la durée des
déplacements, etc. On se réveille à telle heure,
on voyage en avion ou en bus, on se prépare et ainsi de suite.
L’espace devient entièrement abstrait. Tous les motels se
ressemblent; les avions et les bus ont tous la même allure. Les
salles peuvent être différentes les unes des autres, mais
au bout de quelques années, elles se confondent toutes et les
divers publics finissent, eux aussi, par ne plus faire qu’un. La vie du
groupe ressemble à la vie de campagne. Chaque concert devient
une bataille. Nous vivons en vase clos sans savoir si nous sommes
à Venise ou à Los Angeles, un peu comme si nous portions
tout du long avec nous un fragment de notre vie Californienne, une
bulle dans laquelle se produiraient des choses étranges… C’est
de quatre années de cette expérience que sont nés
les « 200 Motels».
u’escomptez-vous
du
film ?
rank
: « Pour le
public qui connaît et aime les Mothers,
« 200 Motels » est l’aboutissement logique de nos concerts
et de nos enregistrements. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, mais
qui aiment bien, de temps à autre, se confronter à de
nouvelles expériences, le film sera une introduction sans doute
surprenante. Quant à ceux qui nous détestent, ils
recevront la confirmation de leurs soupçons. Solarisations,
Mirages. Zébrures avec, en fond sonore, « Penis dimension
»... “Do you worry?/Do you worry a lot?/Do you worry?/ Do you
worry and monan./That the size of your cock is not monstruous
enough?/Its your penis dimension /Penis dimension !.../…
La
distribution de
« 200 Motels » :
The Mothers (The
Mothers), Larry, le nain (Ringo Star), Rance Muhammitz
(Theodore Bikel), La nonne (Keith Moen), Burt, le cowboy solitaire
(Jimmy Carl Black), Jeff (Martin Lickert). Les minettes (Janet
Ferguson, Lucy OfferalI), Eux-mémes (Don Preston, Motorhead
Sherwood), L’aspirateur industriel (Don Barber), La journaliste (Pamela
Miller).
Texte
: Bruno Ducourant
Parution
: Extra, n° 14 (janvier 1972)
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