«

e que ces
femelles esseulées et aux pensées troubles veulent
faire, équivaut à traiter les pellicules par la
décapitation ! » On applaudit la formule d’autant qu’il
l’a balancée devant le Congrès le 19 septembre en
défendant le droit, pour le groupe W.A.S.P., d’écrire,
d’enregistrer et de vendre autant d’exemplaires que possible d’un titre
qui dit a peu près ceci:
«

’ai
des photos de femmes nues sur mon lit. Des idées suintent dans
ma tête. Je gémis en chaleur. Je baise comme une
bête. » Pas évident même pour le père
des Mothers of Inventions (« of Inventions » ayant
d’ailleurs été rajouté par la maison de disques de
l’époque qui craignait déjà la
réaction des mamans américaines !). Mais vital puis qu’il
est évident que ce n’est pas après les hard-rockers, au
public aujourd’hui marginal, que les « femmes de Washington
» en ont. La ségrégation systématique
basée sur l’interprétation des paroles via
un sticker d’avertissement vise des auteurs autrement corrosifs et
dangereux en termes d’impacte sur le public.
«

e
vais vous lire la lettre qu’envoie l’Association de parents (le PMRC)
en accord avec l’Association des parents et enseignants (PTA) et la
Coalition nationale contre là violence à la
télévision (NCTV). Vous verrez, c’est drôle... Il
prononce «drôle » comme Vincent Price dirait «
il est minuit » dans son caveau.
«

i vous
poursuivez le
même but que nous et tenez à protéger vos enfants
contre le porno rock:
1) poussez vos radios et télévisions locales, de ne pas
diffuser des chansons aux paroles répréhensibles ou des
vidéos aux images inadmissibles. »
Zappa joue des mots « répréhensibles »
et « inadmissibles » avec les trémolos qu’il faut
pour que l’auditoire se saisisse bien du danger de termes aussi
subjectifs.
2) faites pression sur les sponsors des émissions qui
programment les ordures en question. Si vous avez des reproches
à formuler aux chaînes câblées, et plus
spécifiquement à MTV (rires !), écrivez
à leurs présidents.
3) écrivez aussi au président du RIAA
(l’Association américaine de l’industrie du disque,
l’équivalent de notre Syndicat national de l’édition
phonographique et audiovisuelle) qui représente 85% de
l’industrie, pour protester contre un album ou sa pochette.
4) envoyez des doubles de vos lettres à votre sénateur,
aux diffuseurs nationaux, aux journaux.
5) bien que nous fassions référence au rock, nous savons
que la violence et la sexualité pervertissent tous les secteurs
de notre société. Nous vous demandons, en tant que
citoyens responsables, de faire valoir vos objections maintenant.
»

appa
laisse passer un ange: « Post scriptum, si vous souhaitez
faire un don, déductible de vos impôts...»
«

l y a deux bonnes raisons pour ne pas vous
organiser,
préconise le conférencier. D’abord cela prend trop de
temps. Ensuite, une organisation est une cible précise. Si vous
n’êtes pas d’accord avec ces attardées mentales,
écrivez aux mêmes gens, exercez les mêmes pressions
mais avec les arguments contraires. Si vous avez moins de dix-huit ans,
vous pouvez écrire ou téléphoner à votre
sénateur et si vous avez plus de dix-huit ans, faites lui savoir
que « vous votez comme une bête »

a
référence à la chanson de W.A.S.P. fait rire
les séminaristes, d’autant que pour parodier la femme du
sénateur Gore qui avait épelé « F.U.C.K.
» (baiser) devant le Congrès de peur de salir la bouche en
le prononçant, Zappa a épelé « V.O.T.E.
». Mais, la bataille est engagée pour de bon. Les cibles
ont déjà changé. Michael Jackson, Madonna, et
même « Brooce », le propret, sont menacés
maintenant. Il ne s’agit plus d’une demi-douzaine de femmes au foyer
dont les maris sont sénateurs ou hommes d’affaires influents
mais, comme le révélera Dave Marsh dans une enquête
qui sortira demain dans le Village Voice, ce sont les femmes de
sénateurs déjà que Tipper Gore, la prude, et Susan
Baker, la femme du secrétaire au Trésor James Baker,
guident au nom de la Majorité Morale. « Quand les maris de
ces femmes ont été surpris avec leurs secrétaires
mineures, avons-nous condamné tout te Congrès ?»,
interroge Zappa; «Non, nous n’avons pas !» répond la
salle très british.
La bataille est engagée et déjà les rats quittent
le navire. Le président du RIAA tente de composer avec les PRMC
en acceptant de discuter le principe du sticker. Des chaînes de
distribution ont déjà annoncé leur intention de ne
plus exposer à la vente les produits douteux. Certains
promoteurs de concerts ont fait part de leur volonté de ne plus
engager les groupes qui représentent un danger pour la
santé morale de la jeunesse. D’autres personnalités du
show-biz ont manifesté publiquement leur désaccord comme
David Geffen, président des disques Geffen, qui a promis:
« il faudra qu’ils passent une loi pour m’obliger à coller
des stickers d’avertissements sur les disques !» Ou les
programmateurs des chaînes musicales qui, disent-ils, exercent
déjà leur propre censure. Mais le message des
sénateurs du Congrès est clair: « Que le show-biz
résolve ce problème, autrement c’est nous qui nous en
occuperons ! » De là à une liste noire
volontairement, établie par l’establishment biz, il n’y a qu’un
pas.
«

e à quoi ces bonnes femmes font
référence, reprend Zappa, représente un
pourcentage infime de la production de disques. Ou alors je n‘ai pas
bien compris le but qu‘elles poursuivent ? Ce n‘est même pas la
queue du chien qu’elles veulent attraper, mais la mouche qui est
posée dessus ! Il y a plusieurs alternatives pour les parents
qui veulent éviter à leurs enfants l’influence
pernicieuse du rock.
1 — Leur
interdire d’acheter des disques.
2 — Ne les
autoriser à acheter que des disques de smurf.
3 — Les
obliger à acheter des disques instrumentaux.
4 — Se
débarrasser des postes de télévision et des
chaînes hi-fi.
5 —
Demander au Congrès de passer une loi concernant l’âge
légal à partir duquel une personne
peut aller au concert
! »

«

ous
sommes tous conscients que le
but induit de toute cette campagne est de remettre le rock à sa
place et de conserver une jeunesse aussi passive et imbécile que
possible. C’est ainsi que l’on fabrique des suffrages. » Enfin,
pour mieux illustrer à quel point la campagne en cours est
dangereuse. Zappa le marginal lit à haute et intelligible voix
le 1er amendement de la Constitution américaine qui garantit au
citoyen le droit de se réunir (donc d’aller aux concerts et le
droit d’expression (donc, de faire des disques). Séminaristes en
délire et prêts à tous les voeux.