Club
Fasching, Stockholm, 27 & 28 Février 2001
MATS ÖBERG
: Keyboards
MORGAN AGREN
: Drums
JIMMY AGREN :
Guitar
TOMMY THORDSSON
: Bass
ROBERT ELOVSSON
: Keyboards
Special Guest :
ARTIS
THE SPOONMAN* : "Flatware"
* Comme son nom
l'indique, Artis est un joueur de cuillères, mais ses performances
avec ces ustensiles, couverts en bois et autres pelles à gâteaux
sont proprement éblouissantes. Véritable mythe vivant, il
a joué depuis 1972 avec des dizaines d'artistes prestigieux (Aerosmith,
Soundgarden, Jethro Tull, Bob Seger...) et participé à de
nombreux shows télé aux USA.
Ami de Frank ZAPPA,
il l'a notamment aidé pour la mise au point de son système
de sonorisation à 6 voies (utilisé lors des concerts du "Yellow
Shark"), pouvant à loisir avec ses cuillères se déplacer
d'un bout à l'autre de la pièce où Frank effectuait
ses prises de son.
Certes, une température
moyenne de -10° à 2 heures de l'après-midi pouvait avoir
quelque chose de dissuasif, mais la fraîcheur hivernale de Stockholm
est largement compensée par la chaleur de ses habitants.
Dès le dimanche,
lendemain de nos retrouvailles avec Morgan, Jimmy et Artis, nous sommes
conviés à célébrer les 30 ans de Mats en compagnie
de nombreux amis musiciens. A l'initiative d'Artis aux cuillères
et d'un ami percussionniste, la fête culmine en un boeuf mémorable,
distillant à merveille virtuosité et bonne humeur générale.
Le
lundi, nous retrouvonsTodd Yvegaet
Ali
N Askin qui arrivent par le train
du soir. Après dépôt des bagages chez Morgan, retrouvailles
entre Ali et Artis qui ne s'étaient pas revus depuis les préparatifs
des concerts du "Yellow Shark", nous allons passer la soirée dans
la vieille ville. "Ca ressemble au Marais", Ali parle presque couramment
français, et la plupart de nos sympathiques conversations se feront
dans la langue de Molière.
Enfin arrive le
mardi, jour du premier des deux concerts organisés au Fasching pour
la célébration des 20 ans de complicité entre Mats
et Morgan. Connaissant parfaitement leur discographie et pour les avoir
déjà vus jouer en duo avec Artis au festival de Göteborg
en octobre 99, nous étions préparés à vivre
un moment exceptionnel, pourtant nous étions encore en dessous de
la réalité.
Morgan nous avait
pourtant prévenu ; "tu sais, le "live" a en fait été
enregistré en 99 (également au Fasching) et vous risquez
de ne pas reconnaître certains titres. Nous avons changé pas
mal d'arrangements depuis, et comme désormais c'est un répertoire
que nous maîtrisons vraiment bien, nous nous octroyons d'avantage
de libertés...".
Nous assistons à
la balance de l'après-midi, et les premiers doutes s'installent
avant même la mise en place des micros. Morgan nous gratifie alors
d'une série de breaks dévastateurs pour tester le bon maintien
de sa batterie, et se révèle avoir une frappe d'une puissance
exceptionnelle. Evidemment, une fois le groupe au complet et l'ensemble
sonorisé, ça devient très très impressionnant,
et ce n'est pourtant qu'un avant-goût...
En préalable
au concert, une émission de la télévision suédoise
enregistrée en 1981, avec Mats et Morgan comme invités, est
projetée sur un écran derrière la scène. Mats
est alors interviewé par une grande concertiste, qui semble bien
mal à l'aise devant ce petit gamin aveugle de 10 ans, qui en parait
7, donne des réponses déconcertantes, se fourre le doigt
dans le nez et ne semble pas du tout impressionné par ce qui se
passe... extraits :
-"Bonjour Mats."
-"Bonjour.......
Margaret."
-"Je suis vraiment
très impressionnée par ta façon de jouer, et toi?
que penses-tu de ma façon de jouer?"
-"Hhhmmmffff..."
-"Bon, nous en reparlerons
après l'émission... Combien de temps travailles-tu ton instrument
chaque jour?"
-"5 fois."
-"(?!?) Et... quels
sont tes musiciens préférés?"
-"Stevie Wonder
et Frank Zappa."
-"Que vas-tu nous
interpréter?"
-"King Kong de Frank
Zappa."
-"Et quelle proportion
sera de toi et de Frank Zappa?"
-"Euh... moitié
moi, moitié Frank Zappa..."
Suit
une charmante version de King Kong en trio piano, basse, batterie avec
une excellente improvisation durant laquelle, déjà à
10 ans, Mats double son solo par de superbes vocalises.
Après une
introduction aussi sympathique, c'est sous des applaudissements nourris
que Mats fait son entrée au bras de Morgan. Rapidement installé,
le groupe se lance alors dans un premier set fulgurant de 45 minutes.
Le Fasching est
bondé, et dés le début du concert, tous les regards
affichent la même stupéfaction face à l'extraordinaire
énergie soudain déployée. Le son est très fort
mais absolument excellent, et l'ensemble donne une sensation de puissance
phénoménale, effet encore renforcé par une certaine
prédominance de la basse. Le répertoire est principalement
constitué de morceaux issus de leur nouvel album live, mais dans
une interprétation qui surpasse largement les versions originales,
pourtant déjà très impressionnantes.
Morgan, particulièrement
survolté, enchaîne les prouesses rythmiques les plus incroyables
avec une aisance déconcertante. A sa gauche, Tommy est figé
sur sa basse, les yeux mi-clos, ultra-concentré. Que ce soit sur
les parties les plus complexes ou les plus débridées, la
basse et la batterie ne forment qu'un. Ils constituent à eux deux
la section rythmique la plus impressionnante qu'il nous ait été
donnée d'entendre, à la fois d'une puissance et d'une précision
redoutables.
Avec
de telles fondations, le groupe est porté à son zénith.
Comme à son habitude, Mats est d'une virtuosité sans égale.
Porté par l'énergie et la joie extrême qui règnent
sur scène, il alterne entre concentration et hilarité, sautant
sur place, tournant sur lui-même, voire s'allongeant par terre (le
mercredi), au risque de se faire piétiner par Jimmy, alors en pleine
séance de pogo. Sa technique prodigieuse est totalement au service
de la musique et ses solos sont toujours très inspirés et
d'une grande sensibilité. Le plus impressionnant reste sans doute
son exceptionnelle maîtrise du "Clavinet", instrument dont il reste
selon moi le champion toutes catégories.
Souvent plus discret,
mais tout aussi énervé que ses copains de jeu, Jimmy apporte
à l'ensemble sa guitare teintée de blues fracassé,
ajoutant l'électricité et la distorsion à une nitroglycérine
pourtant déjà bien relevée. A ce sujet, il est indispensable
aux amateurs de Captain Beefheart, et plus généralement aux
fans de blues gras déjanté monté sur mesures composées,
de se procurer les deux albums solo remarquables de Jimmy.
Et comme si cela
n'était pas suffisant, il y a également une cerise sur le
gâteau en la personne de Robert Elovsson, jeune prodige
de 20 ans. Ce fan de Mats et Morgan était venu timidement trouver
Mats à la fin d'un concert pour qu'il lui donne des cours. Au final,
le jeune élève s'est révélé tellement
brillant qu'il fait désormais partie intégrante du groupe,
et les autres membres ne tarissent pas d'éloges à son sujet.
Non seulement Robert se partage à parts égales les parties
de claviers avec Mats, mais c'est également une véritable
bête de scène, cumulant solos époustouflants et séances
de "head banging" à faire pâlir de frayeur les
plus ultimes fans de Status Quo.
Après ce
premier set dévastateur, nous avons à peine vingt minutes
pour échanger quelques propos admiratifs et goûter l'atmosphère
euphorique qui règne dans le Fasching. L'énergie distillée
par Mats et Morgan est résolument positive et l'ambiance est entièrement
à la fête.
C'est Spoonman qui
ouvre le deuxième set sous les regards éberlués du
public. Voir Artis jouer des cuillères est toujours un moment de
pure magie, et ceux qui le découvrent pour la première fois
restent sidérés par sa performance. Artis va même jusqu'à
chanter deux de ses compositions a capella et fait un véritable
triomphe.
Le
Mats/Morgan
Band reprend alors la scène d'assaut pour un deuxième
set aussi intense que le premier, culminant sur une version débridée
de "Baader Puff", dans laquelle Morgan nous gratifie d'un
solo de batterie d'anthologie.
Le Fasching est
en liesse (Morgan s'avouera lui-même impressionné par la puissance
de la réaction du public après chaque titre) et un rappel
s'avère indispensable. C'est accompagné d'Artis que le groupe
nous délivre alors une prodigieuse version revisitée de "Advokaten".
L'intro. langoureuse, à l'ambiance rendue irréelle par la
métrique indéfinissable utilisée par Morgan et les
subtiles interventions de Spoonman, monte rapidement en puissance sur la
partie "improvisée" avant une reprise dévastatrice du thème
principal et un final explosif. C'est dans une ambiance de pure folie (Robert
en jette son clavier "pilote" dans la foule) et sous un tonnerre d'applaudissements
que s'achève ce premier concert.
Eu égard
à son indéniable efficacité, c'est le même répertoire
qui est retenu pour le mercredi, mais interprété avec encore
plus de fougue que la veille. Totalement mis en confiance par un public
chaleureux et encore plus dense (même si cela paraissait impensable),
le Mats/Morgan Band se lâche littéralement pour atteindre
des moments de paroxysme inimaginable. A un certain moment, des craquements
apparaissant dans la sono, manifestement éprouvée par une
deuxième soirée à subir les assauts de ces fous furieux,
ne sera pas sans rappeler la légendaire déferlante électrique
des Who époque "Live at Leeds" (souvenez-vous de la
mention "Cracking noises OK, do not correct" sur la version
originale de l'album).
Le rappel "Advokaten"
est également l'occasion de nouvelles surprises par le biais de
deux invités exceptionnels. Le titre s'ouvre cette fois sur un superbe
duo entre Artis the Spoonman et l'ami percussionniste rencontré
à l'anniversaire de Mats. Et surtout, le groupe est augmenté
de Simon Steensland, héros mythique de la scène "dark
progressive" suédoise, qui fait des prodiges au theremin,
instrument ancêtre du synthétiseur et si difficile à
maîtriser. Bien sûr, c'est dans la même ambiance euphorique
et survoltée que s'achève ce deuxième concert au Fasching.
Deux shows époustouflants pour un évènement exceptionnel,
un bien bel anniversaire....
Par chance, ces
performances ont été entièrement filmées, et
devraient faire l'objet d'un DVD. Ce sera sans aucun doute un document
absolument indispensable.
Jean françois
Devanneaux.
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Notre reporter
(à gauche),
en compagnie
de
Morgan Ågren,
Mats Öberg
et
Todd Yvega |
Plus de photos
et de détails sur le site de Morgan
Agren
Ecrire à Jean
François pour différents renseignements sur Mats &
Morgan.
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