Interview
de la veuve de l’artiste, la « lionne » et sa
défense d’un énorme
patrimoine artistique.
« Non,
non. En fait, je suis déjà en train d’en écrire
deux. Le premier est un recueil
de ses écrits et d’interviews jamais publiés. Le
deuxième est ma biographie, mon
histoire avec et sans Frank Zappa ».
Quelle
est votre opinion sur Greggery Peccary & Others Persuasions ? « Je
suis toujours très heureuse lorsque paraît la musique que
Frank aimait. Je suis
très reconnaissante à l’Ensemble Modern qui, après
avoir travaillé sur The
Yellow Shark, a cherché par tous les moyens à publier un
deuxième chapitre
de la collaboration entre eux et Frank. Ca a été un acte
d’amour de la part du
dernier « groupe » de Zappa.
Vous
considérez l’Ensemble Modern un groupe comme le furent les
Mothers ? « Nous
sommes face à deux expériences très
différentes. L’Ensemble Modern est venu
chercher Zappa ; c’est eux qui ont souhaité
collaborer avec lui. Ils ont
dépensé beaucoup d’argent et passé beaucoup de
temps dans l’objectif de
réaliser un rêve musical. Ce qu’ils ont fait pour la
musique de mon mari n’a
pas de prix. Les Mothers, c’était différent. C’est le
groupe avec lequel Zappa
a transformé le Rock, ils ont été le meilleur
groupe au monde ».
Qu’a
représenté l’Ensemble Modern pour Zappa ? « Frank
n’a jamais eu de rapports heureux avec les orchestres classiques. Avec
l’Ensemble Modern, il a trouvé des musiciens capables
d’improviser, de se
libérer des carcans de la musique
« sérieuse ». En tant que
compositeur, il a apprécié cela. Entre eux, il existait
un profond et
réciproque respect. Ce fut la plus belle rencontre qu’il ait
faite en dehors de
l’univers du Rock. Mais, même la rencontre avec Pierre Boulez fut
importante.
Frank estimait que c’était un grand honneur que Boulez accepta
une
collaboration avec lui ».
Quel
a été votre contribution au disque ? « L’ensemble
m’a fait parvenir des propositions en me demandant des suggestions sur
les
versions des morceaux. Moi, je me contentais de répondre oui ou
non, voire
pourquoi ? lorsque je ne comprenais pas quelque chose. Mais je
leur suis
redevable car Frank aurait beaucoup apprécié ce disque.
En terme de qualité
technique, il est parfait, même si bien sûr, en
présence de Frank, il aurait
été naturellement différent ».
Que
reste t’il aujourd’hui dans le Rock des leçons de Zappa ? « Je
pense que deux de ses préoccupations demeurent très
actuelles :
« suis ta route coûte que coûte » et
« garde ton esprit
libre ».
Zappa a été un défenseur acharné de la liberté d’expression. Quel souvenir avez-vous de cet aspect du personnage ? « Lorsqu’il
n’était pas occupé à composer, il a investi toute
son énergie à lutter contre
la tentative de diabolisation de la musique et des idées
gênantes. Il ne
cessait de répéter que « sur la Terre, il y a
plus de stupidité que
d’hydrogène ». Finalement, aujourd’hui, il y a encore
plus de stupidité
que dix ans auparavant ».
Vous
faites référence à la politique
américaine ? « J’ai
une grande confiance, et Frank l’avait aussi, envers le peuple
américain. Nous
subissons un gouvernement qui ne nous représente pas. C’est une
situation
dramatique ».
Zappa,
était-il un musicien de rock ou un compositeur moderne ? « Lorsqu’il
était jeune, il a été un pionner du Rock’n’Roll.
Mais il se sentait un
compositeur. Il avait plusieurs facettes, une personnalité
polyédrique. Dans
deux semaines, Baby Snakes sort en DVD ; c'est
un fantastique contraste avec le disque de l’Ensemble Modern. Et
pourtant, ces
deux œuvres proviennent de la même personne ».
Voyez-vous
un musicien en mesure d’assumer son héritage ? « En
plaisantant, je peux vous répondre que les héritiers
existent déjà : ses
enfants Dweezil et Moon.
Je
ne sais pas qui sera le prochain à lui ressembler ; cela
fait des années
que j’entend cette question. C’est comme se demander qui sera le
prochain John
Fitzgerald Kennedy….
A
mon avis, il n’y aura jamais un autre Frank Zappa ». Quels
sont vos projets pour le futur ? « De
continuer à publier d’autres œuvres en respectant la rigueur
qu’il appliquait
lui-même, respecter ses règles. C’est une tâche
difficile et épuisante. Chaque
semaine, je suis submergée de demandes de la part de musiciens
et d’orchestres
professionnels souhaitant jouer et enregistrer ses
morceaux ».
Il y dix ans, vous affirmiez : « Si vous souhaitez respecter la mémoire de Frank Zappa, alors, jouez sa musique ». Ce souhait est-il encore d’actualité aujourd’hui ? « Absolument ».
Le
4 décembre 2003 – www.kwmusica.kataweb.it
- |