1981.
On
a tellement parlé des années durant, de cette rencontre
au sommet de deux mondes si différents, l'univers rock de Zappa,
et l'avant garde institutionnelle de Boulez, son grand prêtre, on
a tant fantasmé, dis-je, que le concert du 9 janvier 1984 ne
pouvait être qu'un échec. Qui repose sur un malentendu, et le choc de deux
cultures, de deux publics, de deux musiciens qu'hormis leur grand
professionnalisme tout sépare. Les musiciens de
l'Intercontemporain, en outre, sont peu habitués aux
accentuations de la notation jazz ou rock. Rétifs à la
musique-spectacle, ils sont rigides dans l'exécution. Leurs
techniciens ont vu ceux de Zappa débarquer comme des
extra-terrestres avec leur studio portable digital Sony PCM 3324. Aussi
leur agacement et celui de Boulez sont-ils allés en augmentant
devant ce trublion de Zappa. A tel point que Boulez se refuse
désormais à tout commentaire sur Zappa, lui qui
déclarait il y a peu avant le concert: « Je me
réserve de dire toutes les qualités de la musique de
Zappa. » (cf. Libération). Le sentiment de s'être un
peu trop « mouillé» est patent. Et dans un sens on
le comprend, car la meilleure partie du disque n'est
précisément pas dans l'exécution
méticuleuse par l'EIC de The Perfect Stranger ou de Dupree's
Paradise, pièces bien trop «américaines» (au
sens de légères), pour faire l'unanimité sur le
Vieux Continent. Le meilleur, c'est le travail typiquement
expérimental que tente Zappa sur un nouvel ordinateur musical,
le synclavier. Et, comme si tout décidément devait
séparer Zappa des gens de l'Ircam, il explore dans ces
compositions électroniques ce que les musi- ciens contemporains
se sont toujours refusés à faire: une musique
électronique dissonante mais pas entièrement atonale, et
même mélodique et rythmée.
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