1969.
« Hot Rats » est une rupture complète avec la
précédente période, marquée par les
excentricités théâtrales sur scène et le
happening musical permanent sur les disques. Ici la musique est
contrôlée de bout en bout, ne laissant aucune place aux
délires « free ». Pas d’audaces nouvelles, donc,
mais une « mise en place » dont la nouveauté est
alors audacieuse: doter la musique pop d’un certain « classicisme
» proche de la musique de chambre. Ce
n’est
plus la provocation
qui frappe l’oreille, mais le foisonnement des orchestrations qui
séduit, fruit d’un intense travail de mixage en studio. Les
arrangements sont fouillés, sans effets tapageurs. Presque
somptueux dans « Peaches En Regalia » et « Son 0f Mr
Green Genes », un tantinet exotiques danse « Little
Umbrellas ».
Pour cela, Zappa a dissout les anciennes Mothers, à bout de
souffle. Et a fait appel à des musiciens venus de la
scène jazz (Ponty), du blues (Shuggy Otis et Sugarcane Harris),
qui donnent à l’ensemble une technicité qui lui faisait
parfois défaut auparavant. Mais « Hot Rats » est
avant tout le résultat de l’étroite et fructueuse
collaboration de Zappa et de lan Underwood, qui a enfin l’occasion de
faire montre de tout son talent de pianiste venu de la musique
classique (où il était spécialisé dans
Mozart). Ses interventions dans cet album sont admirables, notamment le
solo de saxophone (il est poly-instrumentiste) de « Gumbo
Variations», où passe le souffle de Sony Rollins. «
Willie The Pimp » est LE morceau du disque, avec une introduction
chantée par Don Van Vliet (Captain Beefheart) et un solo infini
de Zappa à la guitare. Laissons Phil Manzanera, guitariste de
Roxy Music, cité par Alain Dister, dans son livre sur Zappa,
nous en parler : « Son Solo sur « Willie The Pimp »
semble vouloir durer éternellement. J’ai essayé de jouer
en même temps que lui sur ce tempo et j’ai dû
m’arrêter, épuisé. Zappa a doublé le nombre
de notes dans l’octave qu’un guitariste peut jouer. Il a ajouté
des cinquièmes et des neuvièmes et rend la trame
mélodique presque douce. Et pour l’empêcher de trop le
devenir, il a ajouté de la wah-wah et l’a courbée.
» FRANCIS VINCENT
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